Le redressement des hôpitaux est une urgence sociale et politique
Le redressement des hôpitaux est une urgence sociale et politique
Tribune avec Olivier Faure et Guillaume Garot, dans Le Monde
« Désengorgerles urgences avant la fin 2024 ». La promesse d’Emmanuel Macron était belle, mais purement incantatoire puisque nonaccompagnée des grandes mesures structurelles indispensables pour sortir les hôpitaux de l’ornière dans laquelle ils s’enfoncent depuis des années. Depuis cet été, à nouveau, la liste des urgences fermées la nuit, tous les jours ou de manière récurrente, est une longue litanie, et les délais d’attente pour les patients qui doivent être hospitalisés urgemment se comptent souvent en jours voire en semaines. Impensable il y a seulement quelques années, ce constat de carence majeure ne semble plus choquer certains responsables politiques, comme en témoigne l’autosatisfecit récent du ministre de la santé expliquant qu’avec une « cinquantaine d’hôpitaux en tension », la situation est meilleure qu’en 2023… Comment s’habituer à de tels chiffres, probablement loin de la réalité d’ailleurs, qui cachent tant de souffrances pour les malades et leurs proches, tant de complications et d’angoisses, et de plus en plus des pertes de chances de traitements qui risque de se traduire, hélas, par des décès normalement évitables ? Sans parler des conditions de travail de tous les personnels hospitaliers, en première ligne face aux dysfonctionnements qu’ils tentent d’atténuer grâce à un engagement sans faille mais à qui on ne peut demander éternellement à la fois des efforts non récompensés et la recherche de solutions à des problèmes dont ils ne sont en rien responsables.
L’été est unepériode difficile du fait des congés, mais les épidémies de l’automne et de l’hiver provoquent, tous les ans, les mêmes engorgements aux urgences et en pédiatrie, les services de psychiatrie ou de gériatrie sont débordés en toutes saisons, la crise est profonde et en rien conjoncturelle.
La saturation des urgences est la conséquence des dysfonctionnements de l’ensemble du système hospitalier, voire du système de santé dans sa globalité. Les trois étapes du parcours de soins sont touchées par des défaillances : en amont par les insuffisances de prise en charge précoces et régulières conduisant à un recours accru aux urgences, au sein des services d’urgences par les pénuries de personnels, et en aval par le manque de lits pour hospitaliser les patients.
Il est donc impératif et urgent de construire et de déployer un grand plan de redressement de l’hôpital public, avec pour objectifs premiers les besoins des patients, et comme levier d’action la défense de ses personnels. Toutes les réformes institutionnelles, organisationnelles ou technologiques, aussi
pertinentes soient-elles, ne suffiront jamais à sortir les hôpitaux de la crise
si les soignants ne sont pas considérés à leur juste valeur, c’est-à-dire la ressource
vitale et la richesse essentielle de tout établissement de santé. Le soin est
avant tout humain et, encore plus que tout autre service public, l’hôpital ne
peut jouer son rôle qu’avec des personnels en nombre suffisant, reconnus pour
leurs compétences et leur engagement, et dotés des moyens nécessaires pour
mettre en œuvre leur savoir-faire.
Deux objectifsmajeurs sont donc encore à remplir car insuffisamment pris en compte jusqu’à
présent : la revalorisation des statuts et des rémunérations, et
l’amélioration structurelle des conditions de travail. La question des
effectifs est ici la plus cruciale, notamment pour les personnels directement
au contact des patients car elle est déterminante pour le temps qui peut leur
être consacré. D’une manière ou d’une autre, et beaucoup de propositions sur
des « ratios » ont été faites, une adéquation du nombre minimum de
soignants par rapport au nombre de patients pris en charge doit être défini
réglementairement, c’est désormais une priorité absolue.
Cette questiondes effectifs et des statuts est bien illustrée par l’actualité récente
concernant le nombre d’internesprévu en baisse pour novembre prochain. Au-delà de l’aspect trèsconjoncturel d’une réforme qui aurait dû être mieux accompagnée, le malaise principal
découle du fait que beaucoup d’hôpitaux, notamment universitaires, ne disposent
pas des ressources médicales suffisantes pour fonctionner sans internes, alors
qu’il s’agit de médecins en formation qui ont besoin d’être encadrés et dont le
rôle principal ne devrait pas être de « faire tourner » les services.
Faute de titulaires en nombre suffisant, l’activité de beaucoup de services
repose exagérément sur ces étudiants, au risque qu’ils soient très fragilisés
en cas de réduction de leurs effectifs. Il faut donc adapter les contingents de
praticiens hospitaliers et de praticiens universitaires à la charge réelle de
leurs services.
Par ailleurs,le recours à des médecins étrangers ne devrait pas être considéré comme un
palliatif comme c’est trop souvent le cas actuellement par nécessité, et cela
dans des conditions précaires et avec des rémunérations scandaleusement faibles.
Il faut en tout cas et dès maintenant revaloriser leurs revenus, à la hauteur
de leur niveau de formation et des services qu’ils rendent à la collectivité,
en les alignant sur les revenus des médecins français effectuant le même
travail.
S’y ajouteenfin le nécessaire maillage du service public hospitalier sur l’ensemble du
territoire national, particulièrement en milieu rural où l’éloignement des
habitants explique leur moindre prise en charge, et dans les outre-mer, avec
une offre globalement inférieure à celle de l’hexagone.
Le redressement des hôpitaux est une urgence sociale et politique,pour les missions qui leur sont propres mais aussi pour qu’ils puissent
contribuer à la réparation de l’ensemble du système de santé. Ils doivent jouer
par exemple un rôle essentiel dans la lutte contre les déserts médicaux, en
permettant de concilier qualité de l’offre de soins et proximité via des
coopérations ville-hôpital renforcées et la participation à des centres de
santé dans les territoires en manque de professionnels ; mais ceci est impossible
tant que leur équilibre financier et leur fonctionnement courant ne sera pas
fortement consolidé, ce qui ne peut plus attendre.
Olivier Faure Premier secrétaire du Parti socialiste
Antoine Pelissolo, Secrétaire national du Parti socialiste chargé de l’hôpital, chef du service de psychiatrie du GHU Henri-Mondor à Créteil
Guillaume Garot, Député de la Mayenne, Secrétaire national du Parti socialiste animateur du pôle santé