Médecine, psychiatrie, santé publique, hôpitaux, etc.
"Il faut déstigmatiser les maladies mentales"
Longuer interview dans l'émission Carnets de santé de Marina Carrère d'Encausse sur France Culture, le 12 octobre 2024
"Le redressement des hôpitaux est une urgence sociale et politique"
Le 5 septembre 2024. Les trois responsables socialistes Guillaume Garot, Olivier Faure et Antoine Pelissolo plaident pour un plan de redressement de l’hôpital public qui privilégie les besoins des patients et la défense de ses personnels.
Tribune : "Une autre vision de la santé mentale"
Un collectif, rassemblant des soignants, des élus, des psychiatres, propose, dans une tribune au « Monde », de changer le modèle d’organisation des soins psychiatriques, qui doivent être placés au plus près des patients.
Monsieur Bruno Le Maire, ne touchez pas à la santé pour redresser les comptes publics
Une tribune écrite avec la Dre Julie Chastang pour rappeler que la santé n'est pas un bien marchand. Le 21 mars 2024.
Un nouveau modèle pour la psychiatrie
Travail collectif sur des propositions de grande réforme du système de soins en psychiatrie, basé sur les territoires. Le 18 mars 2024.
La santé mentale, grande oubliée de la politique de la ville
Ma tribune sur la nécessité d'inclure la santé mentale dans les priorités de la politique de la ville pour les quartiers les plus défavorisés. (texte intégral sur demande). Le 8 novembre 2023.
Urgences psychiatriques : le drame de trop
Communiqué au nom du Parti Socialiste à la suite du décès d'un patient aux urgences psychiatriques de Toulouse. Le 20 février 2024.
10 mesures pour faire de la psychiatrie une grande cause nationale
Un plan en 10 mesures pour réformer la psychiatrie, rédigé avec les députés socialistes Chantal Jourdan et Joël Aviragnet. Le 9 octobre 2023.
"Antoine Pelissolo, un psychiatre follement engagé"
Un article sur mes activités médicales et politiques, dans le Journal International de Médecine (JIM.fr). Le 20 novembre 2023.
Déserts médicaux : Il faut augmenter d’au moins 30 % le nombre d’étudiants admis dans le cursus médical
Ma tribune sur le nombre d'étudiants en médecine, car la soit-disant suppression du numerus clausus n'a rien réglé. Le 13 mars 2023.
Antoine Pelissolo et Boris Vallaud : « Il est urgent de faire de la santé mentale et de la psychiatrie une grande cause du prochain quinquennat »
C’est l’ensemble du système de soins en psychiatrie qu’il faut « repenser et refinancer », expliquent, dans une tribune au « Monde », le psychiatre et le député socialiste, qui proposent une loi-cadre permettant de fixer les grands objectifs à atteindre. Le 6 septembre 2021.
« Nous réclamons un véritable plan Marshall pour l’hôpital »
Afin de sauver l’hôpital public et de rétablir la confiance du personnel hospitalier, des spécialistes de la santé et des universitaires, dont Antoine Pelissolo, appellent les pouvoirs publics, dans une tribune au « Monde », à agir selon cinq priorités, à commencer par un moratoire sur les fermetures de lits et la création de 50 000 postes de soignants. Le 20 mars 2022.
Tribune : "Plus de clartés sur les thérapies"
Ma toute première tribune dans Libération (2004), demandant notamment le remboursement des psychothérapies. Déjà....
« Le redressement des hôpitaux est une urgence sociale et politique »
Les trois responsables socialistes Guillaume Garot, Olivier Faure et Antoine Pelissolo plaident, dans une tribune au « Monde », pour un plan de redressement de l’hôpital public qui privilégie les besoins des patients et la défense de ses personnels.
05 septembre 2024
« Désengorger les urgences avant la fin 2024. » La promesse d’Emmanuel Macron était belle, mais purement incantatoire puisque non accompagnée des grandes mesures structurelles indispensables pour sortir les hôpitaux de l’ornière dans laquelle ils s’enfoncent depuis des années. Cet été, la liste des urgences fermées la nuit, tous les jours ou de manière récurrente est redevenue est une longue litanie, et les délais d’attente pour les patients, qui doivent être hospitalisés urgemment, se comptent souvent en jours, voire en semaines. Impensable il y a seulement quelques années, ce constat de carence majeure ne semble plus choquer certains responsables politiques, comme en témoigne l’autosatisfecit, mi-août, du ministre délégué à la santé démissionnaire, Frédéric Valletoux, expliquant qu’avec une « cinquantaine d’hôpitaux en tension », la situation est meilleure qu’en 2023…
Comment s’habituer à de tels chiffres, probablement loin de la réalité d’ailleurs, qui cachent tant de souffrances pour les malades et leurs proches, tant de complications et d’angoisses, et de plus en plus des pertes de chances de traitements qui risquent de se traduire, hélas, par des décès normalement évitables ? Sans parler des conditions de travail de tous les personnels hospitaliers, en première ligne face aux dysfonctionnements qu’ils tentent d’atténuer par un engagement sans faille, mais à qui on ne peut demander à la fois des efforts non récompensés et la recherche de solutions à des problèmes dont ils ne sont en rien responsables.
L’été est une période difficile du fait des congés, mais les épidémies de l’automne et de l’hiver provoquent, tous les ans, les mêmes engorgements aux urgences et en pédiatrie. Les services de psychiatrie ou de gériatrie, eux, sont débordés en toutes saisons. La crise est profonde et en rien conjoncturelle.
Question cruciale des effectifs
La saturation des urgences est la conséquence des dysfonctionnements de l’ensemble du système hospitalier, voire du système de santé dans sa globalité. Les trois étapes du parcours de soins sont touchées par des défaillances : en amont, par les insuffisances de prise en charge précoces et régulières conduisant à un recours accru aux urgences ; au sein des services d’urgences, par les pénuries de personnels ; en aval, par le manque de lits pour hospitaliser les patients.
Il est donc impératif et urgent de construire et de déployer un grand plan de redressement de l’hôpital public, avec pour objectifs premiers les besoins des patients, et comme levier d’action la défense de ses personnels. Toutes les réformes institutionnelles, organisationnelles ou technologiques, aussi pertinentes soient-elles, ne suffiront jamais à sortir les hôpitaux de la crise si les soignants ne sont pas considérés à leur juste valeur, c’est-à-dire la ressource vitale et la richesse essentielle de tout établissement de santé. Le soin est avant tout humain et, encore plus que tout autre service public, l’hôpital ne peut jouer son rôle qu’avec des personnels en nombre suffisant, reconnus pour leurs compétences et leur engagement, et dotés des moyens nécessaires pour mettre en œuvre leur savoir-faire.
Deux objectifs majeurs sont donc encore à remplir car insuffisamment pris en compte jusqu’à présent : la revalorisation des statuts et des rémunérations, et l’amélioration structurelle des conditions de travail. La question des effectifs est ici la plus cruciale, notamment pour les personnels au contact des patients, car elle est déterminante pour le temps qui peut leur être consacré. D’une manière ou d’une autre, une adéquation du nombre minimum de soignants par rapport au nombre de patients pris en charge doit être définie réglementairement, c’est une priorité absolue.
Cette question des effectifs et des statuts est illustrée par l’actualité récente concernant le nombre d’internes, prévu en baisse pour novembre. Au-delà de l’aspect très conjoncturel d’une réforme qui aurait dû être mieux accompagnée, le malaise principal découle du fait que beaucoup d’hôpitaux, notamment universitaires, ne disposent pas des ressources médicales suffisantes pour fonctionner sans internes, alors qu’il s’agit de médecins en formation qui ont besoin d’être encadrés et dont le rôle principal ne devrait pas être de « faire tourner » les services. Faute de titulaires en nombre suffisant, l’activité de beaucoup de services repose sur ces étudiants, au risque qu’ils soient très fragilisés en cas de réduction de leurs effectifs. Il faut adapter les contingents de praticiens hospitaliers ou universitaires à la charge réelle de leurs services.
Précarité des médecins étrangers
Par ailleurs, le recours à des médecins étrangers ne devrait pas être considéré comme un palliatif. C’est trop souvent le cas actuellement, et cela dans des conditions précaires et avec des rémunérations scandaleusement faibles. Il faut en tout cas revaloriser leurs revenus, à la hauteur de leur niveau de formation et des services qu’ils rendent à la collectivité, en les alignant sur les revenus des médecins français effectuant le même travail.
S’y ajoute enfin le nécessaire maillage du service public hospitalier sur l’ensemble du territoire national, particulièrement en milieu rural où l’éloignement des habitants explique leur moindre prise en charge, et dans les outre-mer, avec une offre inférieure à celle de l’Hexagone.
Le redressement des hôpitaux est une urgence sociale et politique, pour les missions qui leur sont propres mais aussi pour qu’ils puissent contribuer à la réparation de l’ensemble du système de santé. Ils doivent jouer un rôle essentiel dans la lutte contre les déserts médicaux, en permettant de concilier qualité de l’offre de soins et proximité avec des coopérations ville-hôpital renforcées et la participation à des centres de santé dans les territoires en manque de professionnels. Mais ceci est impossible tant que leur équilibre financier et leur fonctionnement courant ne seront pas consolidés, ce qui ne peut plus attendre.
Guillaume Garot, député (Parti socialiste, PS) de la Mayenne, auteur d’une proposition de loi transpartisane de lutte contre les déserts médicaux ; Olivier Faure, premier secrétaire du PS et député de Seine-et-Marne ; Antoine Pelissolo, secrétaire national du PS, chargé de l’hôpital, chef du service de psychiatrie du GHU Henri-Mondor, à Créteil.
Monsieur Le Maire, ne touchez pas à la santé pour redresser les comptes publics
Alors que l’urgence gouvernementale est à la réduction des déficits publics et de la dette, les médecins Julie Chastang et Antoine Pelissolo s’inquiètent qu’il soit envisagé de prélever plus à ceux qui ont tout juste de quoi payer leurs cotisations. La médecine n’est pas un bien marchand.
Beaucoup d’habitants précaires des grandes villes cumulent les facteurs de mauvaise santé : alimentation trop coûteuse pour être équilibrée, pollution et stress de la densité urbaine, logements souvent insalubres et trop petits, et accès à la prévention et aux soins très difficile. Encore plus vulnérables sont les familles avec de jeunes enfants, les personnes âgées, et celles souffrant de handicaps physiques ou psychiques. Les troubles psychiatriques, comme la schizophrénie, sont deux fois plus fréquents en zone urbaine qu’en dehors des villes.
Face à ces facteurs de risque, notre système social de santé est la meilleure réponse pour nous protéger collectivement, notamment grâce à l’assurance-maladie, pilier de la solidarité nationale. Loin du « mirage de la gratuité universelle » (« gratuité de tout, pour tous et tout le temps »), « intenable » selon le ministre Bruno LeMaire, notre modèle permet à chacun de cotiser selon ses moyens et de recevoir selon ses besoins de santé. Nous pouvons toutes et tous, un jour, en bénéficier. Soit pour nous-même, lors d’un épisode de maladie grave ou de l’entrée dans une pathologie chronique, soit pour nos proches, ou soit encore pour notre environnement de vie en évitant des épidémies ou des désordres sociaux.
L’urgence gouvernementale est à la réduction des déficits publics et de la dette, avec en ligne de mire les agences de notation et le fameux (mais toujours introuvable et injustifiable) seuil européen des 3%. Mais, plutôt que de chercher du côté des extrêmement hauts revenus, capitaux et dividendes, et plutôt que de travailler à la pertinence des prescriptions, la solution toute trouvée est de prélever plus à ceux qui ont tout juste de quoi payer leurs cotisations et les restes à charge. Notamment pour les « responsabiliser », dit-on.
Doublement des franchises sur les médicaments d’abord, puis réflexion sur les moyens de limiter la « dérive des dépenses liées aux ALD (affections de longue durée) » ensuite. Comme si les patients souffrant de cancer,
d’insuffisance rénale ou de troubles bipolaires pouvaient, sur commande, avoir moins besoin de se soigner. Il est prouvé, à l’inverse de l’objectif visé, qu’augmenter le reste à charge sur le prix des médicaments dégrade le suivi des traitements et expose ainsi à des rechutes, in fine plus couteuses. Une enquête vient de montrer que 63% des Français ont renoncé à au moins un acte de soins depuis 2019, pour des raisons financières dans 42% des cas.Des réformes de fond pourraient rendrela santé publique plus efficace, plus juste, et même plus économe. Le modèle libéral du paiement à l’acte, accompagné d’une financiarisation accélérée de méga-cabinets de santé (en ophtalmologie, soins dentaires, consultations d’urgence sans suivi, cabines de téléconsultations, etc.), pousse à l’accumulation d’interventions de plus en rapides et déshumanisées, et aborde la médecine comme un bien marchand devant répondre à des objectifs de croissance et de rentabilité.
Avec les crises climatiques qui nous attendent, ces soins aux plus précaires nécessitent de la disponibilité, du temps et de « l’aller vers » au sein de nos villes et de nos quartiers, portés en partie par un service public accessible à tous et de proximité inexistant à ce jour. A nous de faire entendre nos voies, alors que les projections d’accès aux soins pour les années à venir s’annoncent particulièrement difficile pour demander à notre gouvernement de mettre en place sans attendre un système de santé public solide et solidaire, soutenu par l’ensemble de la nation et n’excluant personne.
Dr Julie CHASTANG, médecin généraliste en centre de santé, secrétaire générale de l’Union syndicale des médecins de centres de santé, MCU à Sorbonne Université.
Pr Antoine PELISSOLO, chef de service et professeur de psychiatrie, secrétaire national du Parti
Socialiste.La santé mentale, grande oubliée de la politique de la ville
La prise en compte des souffrances psychiques ne figure pas dans le plan du Comité interministériel des villes, présenté le 27 octobre par Elisabeth Borne. Or les quartiers socialement défavorisés sont les plus touchés par ces pathologies, rappelle le psychiatre Antoine Pelissolo.
Certaines maladies psychiques comme la schizophrénie sont deux fois plus fréquentes en ville qu’à la campagne , et les facteurs socio-économiques constituent un déterminant essentiel de la bonne ou de la mauvaise santé mentale. Cumulant ces facteurs de risque, les quartiers dits « politique de la ville » (QPV) sont hélas les plus vulnérables aux troubles psychiques et devraient donc faire l’objet d’une attention toute particulière des pouvoirs publics. En réalité, l’accès aux soins est en général beaucoup plus difficile dans ces territoires qui n’ont rien d’attractifs pour les professionnels de santé, qu’il s’agisse des hospitaliers ou des libéraux. On y constate couramment des délais de rendez-vous interminables dans les centres de consultation, voire même une absence totale de prise en charge possible, pour les adultes et encore plus pour les enfants et adolescents.
La répartition des financements des services de psychiatrie de secteur, qui assurent normalement tous les soins de santé mentale essentiels d’un territoire donné, ne prend en compte les facteurs socio-économiques de la population qu’à hauteur de 9% ; pourtant, les besoins de soins varient facilement du simple au double selon le niveau de vie et la précarité des habitants.
Un cercle vicieux inéluctable s’enclenche chaque fois que la pauvreté génère des souffrances psychiques (dépressions, troubles anxieux, addictions, etc.), ou que les défauts de diagnostic et de soins aggravent des pathologies pré-existantes (schizophrénies, troubles bipolaires, etc.) : les malades et leur famille voient leurs conditions de vie se détériorer, ce qui ne fait que majorer en retour leurs pathologies. Peuvent s’ensuivre une dégradation de leur état de santé globale et de leur insertion professionnelle et sociale, ainsi que des troubles du comportement majorant l’ostracisme dont ils sont fréquemment victimes et altérant la cohésion de certains quartiers.
Le plan du Comité intergouvernemental des villes, présenté le 27 octobre par la Première Ministre à Chanteloup-les-Vignes, n’aborde aucunement cette problématique. Il y est bien fait mention d’un objectif de création de 60 centres de santé à l’horizon 2027 (on recense plus de 1400 QPV en France…), comportant un accompagnement « psycho-social ». Il ne s’agit pas là de compétences psychiatriques, pourtant indispensables pour poser des diagnostics et mettre en œuvre des soins complets comme cela est nécessaire pour les troubles mentaux, en lien bien sûr avec les médecins traitants et les autres intervenants de la santé mentale.
Des dispositifs de soins de premiers recours et de suivi existent partout en France, en particulier les centres médico-psychologiques avec le plus souvent des compétences et des engagements admirables. Ils n’ont cependant pas les moyens de répondre aux besoins de la population, qui se sont encore accrus depuis les trois dernières années du fait des crises successives que nous traversons. Le nombre des postes de psychiatres, psychologues ou infirmiers y est insuffisant, avec des statuts et des rémunérations peu attractifs et des conditions de travail souvent très mauvaises (locaux inadaptés, mise en danger parfois, etc.).
Il est donc indispensable de reconstruire la psychiatrie publique, en commençant en urgence par les quartiers socialement défavorisés. Les services situés en QPV devraient se voir doter de budgets nettement accrus, adaptés aux profils des populations, et les professionnels de santé qui y travaillent devraient être encouragés par des avantages similaires à ceux accordés aux enseignants dans les zones d’éducation prioritaire.
Il est illusoire d’espérer améliorer l’éducation, le logement, la sécurité et l’émancipation des populations les plus précaires sans investir dans la préservation de leur santé mentale.
Pr Antoine Pelissolo
Chef du service de psychiatrie du GHU Henri-Mondor et premier adjoint au Maire de Créteil (PS)
[1] Étude d’A.Szoke et collaborateurs, publiée en 2014 dans BMC Psychiatry.
[2] Noticetechnique ATIH, 11 mai 2023.Déserts médicaux : « Il faut augmenter d’au moins 30 % le nombre d’étudiants admis dans le cursus médical »
Prétendre que la suppression du numerus clausus va résorber la pénurie de médecins est au mieux de la pensée magique et au pire une diversion malhonnête, estime, dans une tribune au « Monde », Antoine Pelissolo, chef de service en psychiatrie et secrétaire national du Parti socialiste.
L’état catastrophique de notre système de santé est connu et l’intervention du président de la République le 6 janvier est venue confirmer que tous les plans précédents n’avaient pas suffi à apporter les solutions adéquates. Mais, à nouveau, aucune mesure n’est proposée pour résoudre une des causes essentielles de la crise, la pénurie de médecins en France. C’est en effet, avec la « grande démission » des personnels soignants, la seconde explication de l’effondrement de notre système de soins.
Il manque des médecins quasiment partout dans le pays : plus de 95 % des territoires d’Ile-de-France sont considérés comme sous-dotés en généralistes, selon les données de l’agence régionale de santé (ARS) ; certaines spécialités sont complètement absentes de nombreux départements ; les postes vacants dans les hôpitaux se comptent par milliers ; et il n’y a pas une filière qui ne soit en souffrance (santé scolaire, médecine du travail, protection maternelle et infantile, etc.).
Dans l’immédiat, le « docteur Macron » et son ministre vont amplifier les soins palliatifs : ajouter des assistants médicaux, optimiser le temps de travail, déléguer des tâches à d’autres professions elles-mêmes en pénurie, faciliter la venue de médecins étrangers qui sont déjà très nombreux dans nos hôpitaux – au risque d’appauvrir encore leurs pays d’origine –, et développer de la télémédecine que beaucoup considèrent comme des soins au rabais.
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Mais rien n’est fait pour traiter réellement l’origine de la maladie, c’est-à-dire le nombre insuffisant de médecins formés par nos universités. Le discours récurrent qui prétend que la suppression du numerus clausus va tout résoudre dans dix ans est au mieux de la pensée magique et au pire une diversion malhonnête. Les promotions d’étudiants issus de la réforme de la première année des études de médecine, qui reste très sélective, n’ont augmenté que d’à peine 15 % par rapport aux précédentes, ce qui laisse des milliers de candidats brillants et motivés sur le carreau.
Les projections montrent que, dans dix ans, nous serons revenus à des effectifs de médecins équivalents à ce qu’ils étaient dans les années 2000. Une époque où on connaissait déjà des déserts médicaux. Et, surtout, les besoins de santé ne font que croître d’année en année : la population augmente et vieillit, avec plus de maladies chroniques nécessitant des prises en charge longues.
Pour remplacer un médecin « d’avant », il en faut au moins deux, voire trois. Qui peut croire, avec cet effet ciseaux implacable, que dans dix ans nous serons sortis de la pénurie ? Tout en critiquant l’aveuglement coupable de leurs prédécesseurs, les responsables politiques reproduisent strictement les mêmes erreurs.
La solution de long terme existe donc, même si elle a un coût : augmenter d’au moins 30 % le nombre d’étudiants admis dans le cursus médical, et pour cela effectivement agrandir les facultés de santé et nommer plus d’enseignants et de nommer plus d’enseignants et de personnels d’encadrement.
Beaucoup d’étudiants, non reçus en France, partent faire leurs études à l’étranger, au risque de ne jamais revenir et de ne pas avoir une formation adaptée à nos besoins. Quel gâchis ! Si rien n’est fait immédiatement, nous serons dans dix ans dans une situation identique à celle que nous connaissons aujourd’hui, voire pire encore.
Antoine Pelissolo est chef de service au CHU Henri-Mondor (AP-HP), à Créteil (Val-de-Marne), et secrétaire national du Parti socialiste.
Antoine Pelissolo et Boris Vallaud : « Il est urgent de faire de la santé mentale et de la psychiatrie une grande cause du prochain quinquennat »
C’est l’ensemble du système de soins en psychiatrie qu’il faut « repenser et refinancer », expliquent, dans une tribune au « Monde », le psychiatre et le député socialiste, qui proposent une loi-cadre permettant de fixer les grands objectifs à atteindre.
« On ne va pas dans le mur, nous sommes déjà dedans », préviennent aujourd’hui certains pédopsychiatres, tandis que d’autres réclament un plan Marshall en faveur de la santé mentale des enfants et des adolescents. C’est aujourd’hui l’ensemble du système de soins en psychiatrie qu’il faut repenser et refinancer, pour le rendre plus accueillant et efficace pour les usagers, et plus attractif et vivable pour les professionnels.
Mais la santé mentale dépasse largement le seul champ de la psychiatrie, elle concerne la vie de quasiment tous les citoyens pour eux-mêmes ou leurs proches, comme la crise sanitaire l’a malheureusement démontré. Le spectre est très large, il va de la souffrance psychosociale « ordinaire » aux maladies psychiques avérées, englobant ainsi la dépression, les diverses addictions, les troubles anxieux, le suicide, les psychoses, la souffrance au travail et le burn-out, le mal-être des étudiants isolés, les psychotraumatismes, les troubles autistiques, etc.
Des réponses défaillantes
Les réponses données aujourd’hui, malgré le grand dévouement et les compétences des intervenants, sont défaillantes dans presque tous les domaines, avec des structures de soin et d’accompagnement saturées car sous-dimensionnées et en nombre insuffisant.
La santé mentale n’est pas seulement un enjeu de santé publique, c’est une question éthique et politique reposant sur de nombreux déterminants sociaux et économiques, touchant à l’éducation, au travail, au logement, à la justice ou encore à l’environnement. Le bien-être psychique de chacun est, par ailleurs, une des conditions essentielles de l’harmonie et de la prospérité de la nation, avec des enjeux cruciaux d’égalité territoriale et sociale. Les plus précaires et vulnérables sont ceux qui paient le plus lourd tribut aux troubles psychiques et à leurs complications.
Une évaluation concrète des besoins
Une loi-cadre sur la santé mentale doit permettre de refonder à la fois l’organisation des soins et leurs budgets, et de fixer les grands objectifs à atteindre à l’aide d’un plan pluriannuel. L’effort d’investissement doit être à la hauteur des retards de financement, de plusieurs milliards d’euros, accumulés au fil des ans. Il doit surtout s’appuyer sur une évaluation concrète des besoins, territoire par territoire, permettant de combler au plus vite les failles les plus graves dans le parcours de soins.
Les principes directeurs sont connus : aller vers des soins plus ambulatoires et inclusifs, tout faire pour soigner sans contraindre et décloisonner toutes les filières (sanitaire et médico-social, psychiatrique et somatique, ville et hôpital, enfants et adultes, etc.). Deux grands objectifs devraient être fixés et suivis annuellement par des indicateurs de terrain, partout en France : premièrement, pouvoir proposer au moins une consultation psychiatrique par mois à tous les patients qui en ont besoin ; deuxièmement, pouvoir accueillir sans aucun délai chaque personne, adulte ou enfant, dont l’état nécessite une hospitalisation, et cela sans jamais dépasser un taux d’occupation des lits de 100 %. « Une telle affirmation serait un symbole fort pour amener à une prise de conscience collective et lutter contre les tabous autour de ces sujets »
Des moyens pour favoriser l’inclusion
Mais il ne faut pas seulement mieux soigner et accompagner, il faut absolument changer le regard de la société pour mieux prévenir les troubles psychiques et faciliter l’inclusion des personnes concernées. Des pays comme l’Australie l’ont compris depuis longtemps : comme pour les gestes qui sauvent, on y apprend dès l’école primaire ce que sont les émotions, comment les identifier et comment les gérer au mieux. Et, en plus des matières classiques, on apprend au collège ce qu’est une dépression ou une addiction. Cela permet de les reconnaître précocement, d’en parler, de se faire aider ou d’aider les autres.
Là aussi, il faut déployer des moyens importants en formation et en accompagnement des enseignants, cet investissement est humainement indispensable. Il l’est aussi économiquement : le coût total, direct et indirect, des troubles psychiques est évalué à plus de 100 milliards d’euros par an dans notre pays…
Une commission dans chaque territoire
De telles mesures portées par un plan présidentiel devront être pilotées par une délégation interministérielle à la psychiatrie et à la santé mentale. Elles devront être mises en œuvre dans chaque territoire par une commission dotée réellement de moyens d’agir, et cela dans une concertation obligatoire avec tous les acteurs, les collectivités territoriales et les représentants des usagers.
Ces préconisations sont partagées par l’immense majorité des professionnels et des experts, auteurs de nombreux rapports produits depuis vingt ans (dont les plus récents préconisaient… d’arrêter de commander des rapports) ou participants aux Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Alors, il est temps de passer à l’action.
Antoine Pelissolo est psychiatre, chef de service au CHU Henri-Mondor (AP-HP) à Créteil (Val-de-Marne) et secrétaire national adjoint du Parti socialiste ; Boris Vallaud, député des Landes et porte-parole du Parti socialiste.
« Nous réclamons un véritable plan Marshall pour l’hôpital »
Afin de sauver l’hôpital public et de rétablir la confiance du personnel hospitalier, des spécialistes de la santé et des universitaires, dont Antoine Pelissolo, appellent les pouvoirs publics, dans une tribune au « Monde », à agir selon cinq priorités, à commencer par un moratoire sur les fermetures de lits et la création de 50 000 postes de soignants.
En mars 2020, les Français découvrent avec stupeur une crise sanitaire inédite. Confinés chez eux, ils applaudissent chaque soir les personnels hospitaliers. Nos hôpitaux ont fait face avec beaucoup d’inventivité et de dévouement à l’afflux des hospitalisations et aux multiples pénuries, à commencer par l’absence de stocks de masques de protection.
Si le Ségur de la santé, en juin 2020, a concrétisé le « quoi qu’il en coûte » promis par le président de la République à l’issue de cette première vague, les attentes du personnel hospitalier sont encore très fortes sur plusieurs plans. Le système hospitalier, soumis depuis plus de quinze ans aux seuls impératifs de rentabilité et de restructuration, est aujourd’hui à bout de souffle.
Quel constat en 2022 ? Une gestion des activités et des ressources à flux tendus au prix d’une dégradation des conditions de travail ; une logique de regroupement des moyens et de polyvalence dictée par des impératifs de rentabilité au détriment du collectif de soins ; des rémunérations des soignants et des médecins peu attractives ; une diminution considérable de la capacité en lits en trente ans (soit cent mille lits), dont on perçoit aujourd’hui les conséquences en termes d’accès aux soins des populations éloignées des grands centres urbains ou défavorisées.
Renforcer les moyens
Les hospitaliers sont épuisés et désabusés. Un nombre significatif d’entre eux démissionne faute de perspectives, les jeunes professionnels délaissent l’hôpital public devenu peu attractif. La refondation de notre système hospitalier, si souvent évoquée en 2020, n’est plus mentionnée que marginalement dans la campagne présidentielle. Elle est pourtant indispensable.
Nous réclamons un véritable plan Marshall pour l’hôpital avec cinq grandes priorités :
– Il faut renforcer les moyens des hôpitaux.
Nous demandons un moratoire sur les fermetures de lits dès le début du prochain quinquennat afin qu’une concertation puisse être engagée à l’échelle des régions pour définir dans une perspective pluriannuelle les besoins en lits en fonction des données démographiques et épidémiologiques, de l’évolution des prises en charges et des effectifs nécessaires. Il faut créer sur 2022 et 2023 cinquante mille postes de soignants dans les établissements en tension et engager, dès à présent, les mesures indispensables pour revaloriser les métiers du soin.
– Il faut réformer le mode d’allocation des ressources et renforcer l’expertise des agences régionales de santé (ARS).
La tarification à l’activité (T2A) mise en place depuis 2004 sur la base de coûts standards est conjuguée avec un objectif national de dépenses hospitalières fixé par les pouvoirs publics en dessous de l’évolution des coûts réels. Les ajustements nécessaires pour tenir dans cette enveloppe n’ont été obtenus que par la pression sur les effectifs, la stagnation des salaires réels et l’intensification du travail.
Une programmation financière pluriannuelle
Nous demandons la limitation de la T2A aux seules activités standardisables en médecine et en chirurgie, d’autres modalités de financement (dotations ou forfaits) étant nécessaires pour prendre en charge des pathologies complexes et chroniques, les urgences ou la réanimation.
Il faut en outre remplacer la fixation d’un objectif national de dépenses, par une programmation financière pluriannuelle déclinée dans chaque région par les ARS à partir d’une véritable analyse des besoins de santé. Les ARS ne peuvent plus se cantonner à la seule régulation financière de l’offre de santé. Elles sont les garantes de l’équité entre les territoires et de la cohérence entre politique nationale de santé et besoins de santé au niveau local.
Elles devraient disposer de véritables marges de manœuvre financière pour réguler l’offre de soins au plus près des besoins. Il est indispensable, de plus, de renforcer leurs échelons départementaux et locaux en termes d’expertise (épidémiologie et santé publique, gestion de projets) afin de leur permettre de piloter les politiques de santé en lien étroit avec les acteurs locaux. Une véritable déconcentration est donc nécessaire.
– Il faut renforcer les interactions entre les hôpitaux et les autres acteurs du système de santé.
Coordination et coopérations
Les groupements hospitaliers de territoires (GHT) ont été créés par la loi Touraine (2016) pour mutualiser les moyens entre hôpitaux et organiser les filières hospitalières de prise en charge. Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), créées par la même loi, regroupent des professionnels de santé de toutes spécialités exerçant en ville et qui souhaitent se coordonner pour organiser les soins de proximité dans un territoire défini.
Les hôpitaux peuvent participer à leurs travaux et, le cas échéant, contractualiser avec eux pour mener à bien des projets communs sans pour autant qu’ils en aient légalement l’obligation. Le découpage actuel des GHT en vastes ensembles géographiques ne favorise pas leur coordination avec les CPTS qui correspondent à des aires plus restreintes.
Il est nécessaire de modifier le découpage des GHT pour faciliter les coopérations nécessaires avec les CPTS, coopérations qui devraient faire partie expressément de leurs missions. Il faut fluidifier les carrières des professionnels entre exercice à l’hôpital et en ville en favorisant la pratique mixte, et poursuivre le développement des délégations coordonnées des tâches au profit des paramédicaux.
– Il faut rééquilibrer la gouvernance des hôpitaux.
Pour promouvoir un management réellement participatif et mieux ancrer l’hôpital dans son territoire, il faut renforcer significativement au sein de ses instances délibératives la présence des représentants des personnels non médicaux, des usagers et des élus locaux. Il est légitime que les professionnels de santé libéraux investis au sein des CPTS soient également représentés.
Recherche et prévention
– Enfin, il est nécessaire d’impliquer les hôpitaux dans les actions de recherche et de prévention.
Les hôpitaux pourraient contribuer à une nouvelle dynamique en matière de prévention, en développant, notamment avec les acteurs locaux (professionnels de santé et du médico-social, CPTS, associations de patients, etc.) et les mutuelles, des programmes de prévention et d’éducation à la santé.
Entre un hospitalo-centrisme inadapté aux enjeux actuels du système de santé et l’hôpital-entreprise désastreux, l’hôpital du XXIe siècle doit préserver son caractère de service public tout en se transformant en établissement plus communautaire entre tous ses personnels mais aussi avec les patients et leurs proches dont l’écoute doit être mieux respectée.
Aux candidats à l’élection présidentielle de mesurer l’urgence de la situation et de faire les choix qui s’imposent.
Les signataires : Etienne Caniard, ancien membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), président honoraire de la Mutualité française ; Edouard Couty, ancien directeur général de l’hospitalisation et de l’offre de soins au ministère de la santé, Bernard Elghozi, praticien hospitalier honoraire ; Patrick Goudot, professeur de médecine ; Agnès Jeannet, inspectrice générale honoraire des affaires sociales (Inspection générale des affaires sociales, IGAS) ; Bruno Liffran, directeur d’hôpital honoraire ; Jean Mallot, ancien député de l’Allier, Denis Mechali, médecin interniste, Dominique Méda, professeure de sociologie à l’université Paris-Dauphine, Antoine Pelissolo, professeur de médecine, chef de service de psychiatrie au CHU Henri-Mondor, Claude Pigement, ancien vice-président de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), membre du conseil de surveillance l’agence régionale de santé Ile-de-France (ARS-IDF) ; Marielle Rengot, formatrice santé, Thierry Philip, professeur de cancérologie, Alfred Spira, professeur de santé publique et Emmanuel Vigneron, professeur des universités, géographe.
« Une autre vision de la santé mentale est nécessaire, il faut sortir la psychiatrie de l'hôpital »
Un collectif, rassemblant des soignants, des élus, des psychiatres, propose, dans une tribune au « Monde », de changer le modèle d’organisation des soins psychiatriques, qui doivent être placés au plus près des patients.
Liste des signataires de la tribune collective « Une autre vision de la santé mentale est nécessaire, il faut sortir la psychiatrie de l'hôpital », parue sur Lemonde.fr le 10 mai 2024 :
Marie-Laure ALBY, médecin généraliste, Paris
Jean-Marc BALEYTE, professeur de pédopsychiatrie, Créteil
Etienne CANIARD ancien membre ducollège de la HAS, président honoraire de la mutualité française
Edouard COUTY, ancien magistrat à la Cour des Comptes ancien directeur général de l’hospitalisationet de l’offre de soins au ministère de la santé
Dominique DEMANGEL, ancienne maire adjointe Paris 18ème
Bernard ELGHOZI, médecin généraliste, praticien hospitalier honoraire, Créteil
Nadine GRELET- CERTENAIS, maire de La Flèche
Nathalie FREYNET, ancien médecin de santé publique
Patrick GOUDOT, professeur de médecine, Parus
Agnès JEANNET, Ancienne inspectrice générale des affaires sociales
Bruno LIFFRAN, Directeur d’Hôpital Honoraire
Jean MALLOT, ancien député de l’Allier
Denis MECHALI, ancien praticien hospitalier
Joël PANNETIER, praticien hospitalier, vice-président de la CME du CH du Mans
Antoine PELISSOLO, professeur et chef de service de psychiatrie, 1er adjoint au maire de Créteil
Claude PIGEMENT, médecin spécialiste, membre du conseil d’administration de l’ARS -IDF
Thierry PHILIP, professeur de cancérologie
Marielle RENGOT, sociologue, adjointe au maire de Lille
Emmanuel VIGNERON, géographe, professeur émérite des universités.
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