Réduire les fractures sanitaires
Réduire les fractures sanitaires
La santé est un des tout premiers sujets de préoccupation, voire d'angoisse, des Français. Le prochain gouvernement, que nous sommes nombreux à souhaiter de gauche, devra impérativement en faire une priorité, pour répondre aux attentes et réduire les fractures sanitaires qui nourrissent colères et votes contestataires.
Les sujets sont nombreux, mais le plus immédiat est celui de l'accès aux soins, qu'il s'agisse des consultations de proximité, des urgences ou des interventions spécialisées. Les dysfonctionnements que nous connaissons partout dans ces domaines sont la résultante de très nombreux facteurs dégradés depuis des décennies : insuffisance de professionnels formés, politiques d'aménagement des territoires défaillantes, effondrement de nombreux services publics, absence totale de régulation, etc. Les solutions ne peuvent donc pas être simples et univoques, il faut reconstruire un projet national de santé publique visant à garantir à terme un égal accès aux soins dans tous les territoires, en plaçant les besoins des citoyens au coeur des projets. La méthode doit être celle de la complémentarité des ressources, et de leur articulation entre elles, ce qui est encore loin d'être le cas.
La question de la régulation de l'installation des médecins, qui figure dans le programme du Nouveau Front Populaire, cristallise bien sûr beaucoup d'attentes mais aussi de craintes voire de rejet de la part des praticiens ou étudiants. Il est essentiel de ne pas faire de ce sujet l'apha et l'omega du projet : d'une part elle n'est en rien une solution magique susceptible de résoudre le problème en quelques mois ou années, et d'autre part elle risque de détourner les acteurs de tous les autres enjeux, au moins aussi importants. On peut tout à fait comprendre les attentes des citoyens et de leurs élus qui voient leurs territoires de plus en plus démunis alors que d'autres s'en sortent mieux en continuant à attirer les nouveaux professionnels, et la possibilité de poser quelques principes de meilleure répartition semble une mesure de bon sens. Mais, en situation de très forte pénurie globale, le dosage de cette régulation doit être adapté très subtilement et surtout discuté avec les praticiens et leurs représentants. Surtout, il faut que ces mesures de régulation ne soient qu'un élément d'un beaucoup plus vaste plan permettant une refonte de l'organisation des soins. A ce titre, et parmi d'autres dispositifs, le modèle des centres de santé, s'adaptant aux souhaits de pratique des jeunes professionnels, aux besoins des territoires et aux enjeux de santé publique est un des leviers majeurs qu'il faudra promouvoir et accompagner.
En lien ou non avec ce sujet de l'accès aux soins, de nombreuses autres thématiques devront faire l'objet de réformes et de plans volontaristes urgents, parmi lesquelles :
- la prévention qui, malgré de nombreux effets d'annonce, n'a toujours pas été portée comme la priorité absolue qu'elle constitue; elle doit être tournée en particulier vers les populations socialement les plus fragiles ;
- le soutien aux hôpitaux publics et à leurs personnels, dont la situation financière est aujourd'hui très dégradée;
- le financement du système de soins dans son ensemble, avec notamment la question de l'ONDAM, de la sécurité sociale et des mutuelles, de la T2A dans les hôpitaux et du paiement à l'acte en ville, et encore de la territorialisation du pilotage de ces financements;
- la psychiatrie et la santé mentale, qui concerne des millions de personnes en France avec des défaillances majeures de très nombreux maillons du parcours de soins;
- la dépendance et le grand âge, pour lesquels une loi spécifique est indispensable;
- les études médicales et en soins infirmiers, qui ont connu plusieurs réformes successives sans atteindre réellement les objectifs fixés;
- la politique du médicament, notamment pour combattre beaucoup plus activement les pénuries qui mettent en danger la santé de nombreux patients.
Le gouvernement actuel et ses prédécesseurs n'ont pas porté la santé comme une priorité nationale, malgré les attentes des Français. Ce champ a surtout souffert d'une grande instabilité des ministres en charge au cours des dernières années, compromettant la mise en oeuvre de politiques construites sur la durée. Il faut souhaiter que la/le prochain puisse travailler de manière plus stable et sereine, notamment pour établir des partenariats constructifs avec les acteurs, avec comme objectif principal le progrès pour tous et la réduction des fractures sociales en santé, fragilisant notre pacte Républicain.