Ruptures d'approvionnement de médicaments en psychiatrie : une situation intolérable
Ruptures d'approvionnement de médicaments en psychiatrie : une situation intolérable
Ruptures d'approvisionnement de médicaments en psychiatrie : une situation intolérable

(Voir également ma Tribune dans Le Point sur le même sujet)
Les ruptures de médicaments font partie du quotidien des patients, des pharmaciens et des médecins depuis plusieurs années. Mais la situation ne s’améliore pas et peut toucher désormais des médicaments essentiels et créer des situations très problématiques pour nombre de patients.
En psychiatrie, les médicaments sont rarement interchangeables car, même dans la même catégorie, ils ont chacun leurs propriétés pharmacologiques spécifiques. Pour un patient donné, les effets thérapeutiques ou les effets secondaires de deux médicaments proches sont souvent différents; parfois l’un fonctionne très bien et l’autre pas du tout. Par ailleurs, au sein des cinq catégories principales de psychotropes (antidépresseurs, antipsychotiques, etc.), on ne dispose souvent que de 4 ou 5 molécules différentes, en tout cas adaptées à la plupart des situations cliniques.
Ainsi, la rupture actuelle de quétiapine (Xéroquel) crée une situation inédite et vraiment très problématique. Ce médicament, commercialisé en France depuis environ 15 ans, est très prescrit dans plusieurs types de troubles psychiques durables : la schizophrénie, le trouble bipolaire et certaines dépressions. Au total, ces pathologies concernent plusieurs millions de personnes en France. La quétiapine fait partie des molécules permettant souvent de bien soigner et de stabiliser au long cours ces troubles potentiellement graves, qui peuvent altérer fortement la qualité de vie et le « fonctionnement » de la personne dans sa vie quotidienne. Avec notamment un risque vital en cas de symptômes suicidaires, les troubles de l’humeur et la schizophrénie étant les deux pathologies les plus en cause dans les morts par suicide.
Aujourd’hui, l’approvisionnement en quétiapine est complètement à l’arrêt dans tout l’héxagone, et les stocks dans les pharmacies sont partout épuisés ou en voie de l’être. Or, ce médicament ne doit pas être interrompu brutalement, au risque d’effets secondaires et surtout de rechutes potentiellement graves, et il est très compliqué de définir, au cas par cas, une molécule de remplacement. Tout changement doit donc être anticipé et préparé pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois, le plus souvent avec l’avis et l’accompagnement d’un psychiatre.
Comme fréquemment, nous n’avons aucune visibilité sur la durée de cette rupture d’approvisionnement et, à ma connaissance, les laboratoires qui le commercialisent (Cheplafarm pour le Xéroquel mais plusieurs autres aussi pour les génériques) n’ont pas communiqué auprès des patients concernés et des professionnels de santé. Cette absence d’information peut poser des problèmes graves de ruptures brutales de traitement et de planification des traitements au long cours.
C’est tout simplement inadmissible, avec une mise en danger réelle des patients, dont il faut rappeler qu’ils constituent les « clients » qui font vivre les laboratoires pharmaceutiques. Il est donc urgent que le Ministère de la santé réagisse, aussi bien pour trouver des solutions à ces problèmes de pénurie, en particulier pour les molécules essentielles en psychiatrie, que pour obliger les laboratoires à informer le public sur les ruptures et leurs durées prévisibles.
Pr Antoine PELISSOLO, 28 janvier 2025